Les dieux du stade

, par Simon o Tarsier

Souviens-toi, petit bonhomme, les matins d’hiver, bonnet de laine et cheveux mouillés.
Souviens-toi, le visage contre le tatami, odeur aigre de transpiration sur le tissu rêche, sueurs froides des vestiaires, gel douche, eau chlorée, chaussettes sales. Ou encore : les poumons prêts à exploser, meurtris par l’air froid, la douleur, la nausée, le cœur qui s’affole. Cours, cours... (j’ai mal). Plus vite !

C’est la revanche de la cohorte des ricaneurs, de ceux qu’ont la plus grosse sous les douches. C’est la médiocrité ordinaire des kapos en survêt vert, mépris, mots blessants, et coups de sifflet. Plus fort !

Haro, haro, sur les corps mal dégrossis d’enfance, les membres patauds de l’adolescence. Chétifs, lourdauds, et mal en peau, vous allez apprendre l’humiliation en serrant les dents. La corde a bougé, encore raté, à croire que tu le fais exprès... Plus haut, la jambe !

Ils ont prospéré, et avec eux l’esprit du clan, les chants de clochers, et les belles valeurs de toujours, entre discipline et dégueuloir. Haro ! Haro ! C’est qu’on prend goût au sang, c’est qu’on aime la chaleur de la meute, c’est que le monde est à notre image, c’est que les Dieux sont des nôtres...

P.-S.

Les dieux du stade a été publié sur le site Clinamen, une infime déviation, en 2000 (site fermé depuis).